Dylann Roof, Syed Farook… la notion d’acte « terroriste » est a géométrie variable
Pourquoi les auteurs d’attentats d’extrême droite ne sont jamais qualifiés de terroristes ? https://t.co/9cwDog7tO3 pic.twitter.com/zr3BDZI5t2
— Fdebranche (@F_Debranche) 18 juin 2016
Vendredi 27 novembre, Robert Lewis Dear, un Américain de 57 ans, a fait irruption dans un centre de planning familial à Colorado Springs (Colorado) et ouvert le feu, faisant trois morts dont un policier, et neuf blessés.
Le gouverneur démocrate du Colorado, John Hickenlooper, et un candidat républicain aux primaires de son parti pour la présidentielle de 2016, Mike Huckabee, ont aussitôt dénoncé un acte de « terrorisme intérieur ».
Barack Obama s’est gardé de reprendre ce terme. Le président américain a souligné, samedi, que les autorités ignoraient encore « les motivations qui ont conduit cet homme armé à tirer sur 12 personnes, ou à terroriser une communauté entière », tout en dénonçant une nouvelle fois l’accès aux armes de guerre.
À partir de quand peut-on parler d’acte de « terrorisme » et de « terroriste » ? Après l’attaque, la question a fait débat outre-Atlantique.
La responsable de Planned Parenthood dans le secteur où le centre a été attaqué, Vicki Cowart, assure que « des témoins » ont « confirmé » que le tireur « était mû par son opposition à l’avortement légal ».
Cela suffit-il à le qualifier de « terroriste » ? Oui, assurent de nombreux partisans du planning familial, dont les 700 centres à travers le pays sont régulièrement la cible de manifestations, voire d’agressions, des opposants à l’avortement.
Les médias américains, eux, se sont largement abstenus d’utiliser le terme de « terrorisme intérieur », provoquant parfois l’incompréhension, comme le rapporte un journaliste du Washington Post.
a lot of people asking why most media not currently calling Planned Parenthood shooting an act of domestic terrorism.
— WesleyLowery (@Wesley Lowery)
Aux Etats-Unis, est considérée comme du terrorisme domestique
« toute activité destinée à intimider ou à contraindre les populations civiles, influencer la politique du gouvernement par intimidation, ou coercition », selon le Patriot Act du 12 octobre 2001.
Faute de définition légale internationale du terrorisme, désigner un acte comme tel serait donc « lié à l’intérêt des gens qui en parlent », estime Jean-Luc Marret, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique. Ainsi, « des fondamentalistes chrétiens diront de la tuerie du Colorado que c’est une justice divine pour sauver les enfants de l’avortement, quand les partisans de l’IVG le qualifieront de terrorisme ».
La couleur de peau des assaillants aurait-elle, elle aussi, une influence sur les termes employés ? En juin, lorsque Dylann Roof, partisan de la suprématie blanche, a tué neuf personnes noires dans une église de Charleston (sud-est des États-Unis), de nombreuses voix se sont étonnées que le tireur soit qualifié de « forcené » ou de « déséquilibré » et non de « terroriste ». « Je suis toujours frappée de voir les réticences à nommer le terrorisme blanc », s’était étonnée l’écrivaine américaine Brit Bennett.
Après le massacre de Charleston, la justice fédérale avait suivi la piste d’un acte de « terrorisme intérieur », ce qui lui aurait permis de requalifier les faits. Dylann Roof a finalement été inculpé pour crimes racistes.
Quelque 11 200 homicides ont été commis par armes à feu aux États-Unis en 2013. Le « terrorisme domestique » a, quant à lui, fait 3 030 victimes entre 2001 et 2013. C’est dix fois plus que les 350 victimes américaines tuées par le terrorisme à l’extérieur du pays sur la même période.