Hongrie : un réfugié syrien qui a forcé une barrière a été condamné à 10 ans de prison pour… terrorisme
Avec des centaines d’autres personnes, il s’était heurté aux forces de l’ordre en septembre 2015. La justice a interprété le code pénal et l’a condamné pour terrorisme.
Le verdict est tombé comme un coup de massue. Ahmed Hamed, un citoyen syrien de 40 ans, a été condamné mercredi à dix ans de prison pour terrorisme par le tribunal de Szeged (sud de la Hongrie). Bien que la justice ait condamné des centaines de personnes pour «franchissement illégal de la frontière», c’est la sentence la plus lourde prononcée contre un réfugié depuis la crise migratoire qui a vu près d’un demi-million de personnes transiter par la Hongrie l’an dernier, en route vers l’Europe du Nord.
Le crime d’Ahmed Hamed? S’être trouvé parmi les centaines de migrants originaires de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, qui se sont retrouvés bloqués à Röszke au seuil de la Hongrie le 15 septembre 2015. Les réfugiés n’ayant pas de visa, ils passaient jusqu’alors de Serbie en Hongrie à travers les champs. Jusqu’à ce que Budapest verrouille cette frontière «verte» par des kilomètres de barbelés. Le 16 septembre, après plusieurs heures sans eau, sans information autre que des annonces incompréhensibles de la police, des affrontements éclatent entre migrants et forces de l’ordre retranchées derrière une barrière mobile, sur la route. Ces dernières emploient des canons à eau et du gaz lacrymogène et des dizaines de migrants répliquent en lançant des morceaux d’asphalte et de briques au cri d’«Ouvrez la barrière !» Finalement, la barrière tombe, les migrants avancent en chantant «merci la Hongrie !» et les forces antiémeutes reculent… pour ensuite contre-attaquer sans sommation et brutalement matraquer la foule.
«Il n’est venu là que pour soutenir l’émeute»
Plusieurs personnes sont arrêtées mais Ahmed Hamed est le seul à être inculpé de terrorisme. La justice fonde son argumentation sur l’article 314 du Code pénal, bien moins précis que le droit pénal français en matière de terrorisme : «Est coupable d’un acte de terrorisme toute personne qui commet un crime […] dans le but de forcer une agence ou une institution étatique à faire ou ne pas faire quelque chose.» Le procureur a enfoncé le clou dans son réquisitoire : «L’accusé a, par la force, tenté d’exiger de la police qu’elle ouvre la barrière. Il a lancé des pierres, a agi comme porte-voix du groupe de migrants : il a indéniablement commis un acte terroriste. Et Ahmed est à la fois syrien et chypriote, il a donc un passeport européen ; il aurait pu entrer sans visa à n’importe quel poste frontière. Il n’est venu là que pour soutenir l’émeute.»
Plaidant alors brillamment pendant une heure, l’avocat de la défense, Balazs Sebok a souligné l’absurdité de l’inculpation. «Lors des matches de foot en Hongrie, il est fréquent de voir des groupes ennemis de hooligans attaquer la police pour qu’elle s’en aille, et qu’ils continuent à se battre tranquillement entre eux. Ils forcent la police à faire quelque chose ! Ça aussi, c’est du terrorisme, si j’interprète le Code pénal comme vous !» L’avocat a ensuite pointé les nombreuses failles de l’affaire. Les policiers – seuls témoins autorisés par le juge alors qu’il y avait des dizaines de travailleurs humanitaires et de journalistes sur place – décrivent le meneur des émeutes comme un type «habillé en vert» alors qu’Ahmed portait un polo rouge. De nombreux éléments ont été omis dans l’acte d’accusation, comme les vidéos qui montrent Ahmed criant dans un mégaphone pour apaiser la foule : «Non, n’avancez pas.» Ahmed Hamed admet avoir lancé des pierres tout en niant avoir ciblé les policiers. «Pour autant, cela ne fait pas de lui un terroriste» a affirmé l’avocat.
«Je vis à Chypre depuis dix ans avec ma femme grecque et nos deux enfants. Je suis allé en Turquie pour aider mes parents malades qui avaient fui la Syrie, a raconté l’accusé. A Istanbul, j’ai vainement essayé d’obtenir pour eux un visa pour l’Allemagne et la Grèce. Je ne pouvais pas les abandonner comme ça : alors j’ai décidé de les escorter moi-même jusqu’en Allemagne via la Hongrie.» En entendant le verdict, il n’a pu retenir ses larmes.
«Procès politique»
Les autorités hongroises sont largement responsables de ce qui s’est passé l’an dernier à la frontière car elles ont laissé pourrir la situation et monter la tension, a estimé l’avocat: «J’ai le sentiment que l’Etat hongrois a choisi mon client comme bouc émissaire», a-t-il insisté. A la sortie du tribunal, des activistes brandissaient une bannière «Libérez ceux de Röszke» et distribuaient des tracts dénonçant «un procès politique». Ils ont écopé d’une amende.
«Il est très inquiétant qu’une loi aussi vague, qui n’aurait jamais dû être rédigée ainsi, soit maintenant exercée contre la cible favorite de l’Etat hongrois : les migrants et les réfugiés, qu’il ne cesse de pourchasser. Ces deux éléments se sont rejoints et c’est vraiment dangereux», a déclaré à Libération Gauri Van Gulik, d’Amnesty International, observatrice au procès comme plusieurs autres membres de l’ONG. A Szeged, on a assisté à une parodie de justice, à une farce brodée pour servir l’argumentaire politique de la droite post-fasciste au pouvoir : les migrants sont des terroristes.
Les troubles fetes, les manifestants sont des terroristes, c’est la technique Assad ça. Sortir de sa manche la carte terroriste, tous les dictateurs font ça. On va pouvoir parler de régime hongrois. Lol.
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la justice français est trop laxiste et la hongroise cible 1 gars qui n’a rien fait et le condamne excessivement
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