Trafic d’Etat : nouvelles révélations sur l’importation de 40 tonnes de cannabis avec la complicité des Stups
De nouveaux documents auxquels «Libération» a eu accès révèlent comment 40 tonnes de cannabis ont été importées en France avec la complicité de la police sous couvert de démanteler des réseaux. Une opération menée dans le dos du pouvoir judiciaire, sur fond de guerre des services.
Le scandale des Stups entre dans sa phase la plus explosive. Plus d’un an après la spectaculaire saisie de 7 tonnes de cannabis boulevard Exelmans, en plein Paris, l’enquête judiciaire confiée aux juges Marc Sommerer et Baudoin Thouvenot dévoile l’existence d’un système d’une ampleur inédite. Des dizaines de rapports confidentiels, notes et mails internes, auxquels Libération a eu accès, viennent étayer nos premières révélations sur ce qui s’apparente à un véritable trafic d’Etat. Car sous couvert d’une opération d’infiltration secrète baptisée «Janissaire», destinée à démanteler des réseaux de trafiquants, l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) a directement supervisé l’importation d’au moins 40 tonnes de cannabis en octobre 2015. L’équivalent de la consommation française pendant près de deux mois. Un système mis en place au plus haut niveau de la hiérarchie policière, qui a totalement échappé au contrôle judiciaire. «Nous n’avons été informés d’aucun transport de stupéfiants, a expliqué aux magistrats enquêteurs le juge lyonnais en charge du dossier, Bertrand Grain. Nous n’aurions jamais accepté la livraison d’une seule tonne de cannabis sous couvert de l’opération d’infiltration. Il était convenu que les convois de stups s’inscrivant dans ce cadre ne devaient concerner “que” quelques centaines de kilos de cannabis.» Ces convois auraient alors dû faire l’objet d’une commission rogatoire spécifique, mesure qui n’a jamais été requise.
Une affaire d’autant plus embarrassante que cette opération d’importation massive était prévue de longue date, et son principe parfaitement connu d’un certain nombre de hauts responsables policiers. Plusieurs d’entre eux devraient bientôt avoir à s’en expliquer devant l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, qui selon nos informations vient d’être cosaisie. Par ailleurs, le parquet de Paris a ouvert en septembre une autre information judiciaire à la suite des révélations d’un ancien informateur, qui a raconté dans les colonnes de Libération avoir été mandaté par l’ex-patron de l’Ocrtis pour charger et décharger 19 tonnes de cannabis dans le sud de l’Espagne. Une affaire qui devrait tôt ou tard être jointe à celle des 7 tonnes du boulevard Exelmans.