
La Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), au travers de son président Alain Jakubowicz, veut « reprendre le combat contre cette imposture qu’est le concept d’islamophobie »
Depuis, les critiques pleuvent contre l’organisation antiraciste. L’Observatoire national contre l’islamophobie, rattaché au Conseil français du culte musulman (CFCM) a réagi, mardi 8 novembre, pour dénoncer une « phrase-bombe » de la Licra « qui risque d’ouvrir un fossé entre les différentes composantes de notre pays et de construire un mur, principalement entre les citoyens français de confession ou de culture musulmane d’une part et les citoyens français de confession ou de culture juive d’autre part ». L’instance annonce « cesser, à partir de ce jour, tout échange ou contact avec la LICRA tant qu’elle ne revient pas sur sa position qui a soulevé au sein des associations musulmanes et autres, un tollé général ».
« Il se permet de nier le phénomène réel »
L’islamophobie est une «imposture» : le président de la Licra fait polémique
Dans une série de tweets postés ce week-end, le président de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme condamne le concept d’islamophobie…

L’islamophobie : réalité ou vue de l’esprit ? Ce week-end, un tweet publié par le président de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) a mis le feu aux poudres. Sur le réseau social, Alain Jakubowicz appelle à « reprendre le combat contre cette imposture qu’est le concept d’islamophobie ». Des propos qui n’ont pas manqué de susciter la controverse.
Un débat sémantique qui fait débat
Pour le président de la Licra, il faudrait, pour être juste sur le plan sémantique, parler de « racisme anti-musulmans », l’islamophobie n’étant à son sens pas une notion évidente, mais plutôt « un détournement de la lutte contre le racisme anti-musulmans qui n’a rien à voir avec l’antiracisme ».
Si le président de la Licra rejette en bloc la notion d’islamophobie, pour la Ligue des droits de l’homme (LDH), le terme, « bien qu’il provoque un certain nombre de polémiques, est assez largement utilisé et compris dans le débat public, souligne Françoise Dumont, la présidente de l’association. Ce terme est même utilisé par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui n’est pas réputée pour sa complaisance ou son impartialité. » D’ailleurs, l’association indique utiliser ce terme : « si cela permet de mieux décrire un certain nombre d’actes violents, discriminants ou stigmatisants à l’égard des Français de confession musulmane, je ne vois pas où est le problème », poursuit Françoise Dumont.
Du côté de l’Observatoire de la laïcité, l’instance placée sous l’autorité de Matignon, on se refuse à « entrer dans un débat sémantique sur l’islamophobie – typiquement français – qui éloigne des véritables problèmes, estime son rapporteur général, Nicolas Cadène. En revanche, il n’est pas question de transiger sur le fait que l’on doit condamner toutes les violences à l’égard des Français au motif qu’ils sont musulmans ».
« C’est jeter de l’huile sur le feu »
Dans le milieu des associations antiracistes, le positionnement d’Alain Jakubowicz passe mal et laisse perplexe. « Dans le contexte actuel, c’est jeter de l’huile sur le feu », regrette Françoise Dumont. D’autant que, pour la présidente de la LDH, « lancer de telles polémiques sur Twitter, où les messages courts sont forcément lapidaires, est totalement inapproprié en général, et en particulier de la part du président de la Licra. Qu’il refuse d’utiliser ce terme est une chose, qu’il se lance dans une polémique sur ce réseau social en est une autre. »
Dans un contexte « extrêmement tendu par rapport à ces questions-là, il faut être conscient qu’il ne faut pas tenir de propos risquant d’attiser davantage les tensions, recommande Françoise Dumont. Depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence, la communauté musulmane a été très visée. Quand on est animé par le vivre ensemble, il ne faut pas jouer avec ça ».
Outré par le positionnement d’Alain Jakubowicz, le journaliste Claude Askolovitch lui a fait savoir sa façon de penser sur Twitter.
Quand un homme bien, au nom de la belle LICRA, joue les casuistes utiles de la détestation des musulmans. L’islamophobie existe, mon vieux! https://t.co/r1OXm9sLCq
— claude askolovitch (@askolovitchC) 6 novembre 2016
Pour les défenseurs de la laïcité ou des droits de l’homme, ce débat sémantique ne doit pas nier la réalité des actes antimusulmans ni la souffrance des musulmans de France. Que l’on parle d’islamophobie ou de racisme antimusulman, « la stigmatisation de la communauté musulmane, en particulier des femmes voilées, n’est pas une simple vue de l’esprit, elle est réelle », insiste Françoise Dumont. « De fait, les actes antimusulmans sont en hausse, rappelle Nicolas Cadène. Il faut lutter contre au même titre qu’il faut lutter contre les actes racistes et antisémites ».

