Racisme : L’État définitivement condamné pour des «contrôles au faciès»

La Cour de cassation a définitivement condamné, mercredi, l’État, pour plusieurs cas de contrôle «au faciès», et estimé qu’un contrôle d’identité discriminatoire était une «faute lourde» qui engageait la responsabilité de l’État.

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«C’est une grande victoire», a salué Félix de Belloy, avocat des plaignants, treize hommes d’origine africaine ou nord-africaine. «On sort de plusieurs décennies de non-droit en matière de contrôle d’identité. Les policiers considéraient qu’ils pouvaient contrôler sans motif, c’est terminé.»

13 hommes avaient attaqué l’État

L’affaire avait commencé en 2013, lorsque ces 13 hommes avaient attaqué l’État, dénonçant des contrôles abusifs, parfois associés à des palpations, des insultes ou du tutoiement.

Après avoir perdu en première instance en octobre 2013, les plaignants avaient fait appel, soutenus cette fois par le Défenseur des droits, Jacques Toubon. En juin 2015, la cour d’appel de Paris avait donné raison à cinq d’entre eux, condamnant l’État à verser 1 500 euros de dommages et intérêts à chacun.

> Un contrôle d’identité peut être réalisé en cas de flagrant délit, de risque à l’ordre public ou sur réquisitions du procureur de la République (article 78-2 du code de procédure pénale).

> Lorsqu’ils n’ont pas conduit au déclenchement par les autorités publiques d’une procédure judiciaire ou administrative, les contrôles d’identité ne font l’objet d’aucun enregistrement.

> En droit commun, une personne qui estime avoir fait l’objet de discrimination peut saisir un tribunal, devant lequel elle doit apporter la preuve de cette discrimination.

> En droit du travail, la personne qui estime être victime de discrimination n’a pas à en apporter la preuve, mais uniquement à présenter des éléments qui la laissent présumer. C’est au défendeur de démontrer l’absence de discrimination.

«Les contrôles sans motif, c’est terminé»

L’État s’était pourvu en cassation pour les cinq dossiers dans lesquels il avait été condamné, et les huit hommes qui n’avaient pas obtenu gain de cause en avaient fait autant. Onze des pourvois ont été rejetés. L’État a été définitivement condamné dans trois dossiers.

La Cour de cassation a précisé la façon dont la discrimination doit être prouvée : la personne s’estimant victime d’un contrôle d’identité doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l’existence d’une discrimination et c’est ensuite à l’administration de démontrer, soit l’absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs. L’association SOS Racisme s’est félicitée de la décision, la qualifiant de «victoire historique».

Témoignage. « Bonjour monsieur, contrôle de routine. Vos papiers s’il vous plaît. Mettez-vous sur le côté. Videz vos poches, enlevez vos chaussures… Vous faites quoi là, vous habitez où ? » Ces mots-là, souvent accompagnés de palpations, Régis, 25 ans, issu d’un quartier populaire des Hauts-de-Seine, les a entendus maintes fois depuis l’adolescence. Il avait témoigné, dans Le Parisien.

Le Parisien

Racisme d’Etat : «la vie d’un noir américain vaut-elle celle d’un blanc ?»

De la Guerre de Sécession aux protestations actuelles contre les violences policières, en passant par Rosa Parks, Martin Luther King et Barack Obama, le sort des des esclaves venus d’Afrique et de leurs descendants est au cœur de l’élection présidentielle du 8 novembre.

cause d’une simple histoire de couleur de peau, l’arrivée à la Maison-Blanche d’Obama, en 2008, a été un symbole d’une force extraordinaire. Les cas innombrables de violences policières touchant toujours des Afro-Américains prouvent que les symboles ne suffisent pas toujours à changer la réalité des choses. « Black lives matter », dit le slogan forgé en 2013, après l’une de ces affaires. Trois ans plus tard, après d’autres morts, des manifestants continuent de défiler pour rappeler que « les vies noires comptent » à un pays qui semble avoir du mal à l’admettre. L’obsédante « question noire » est une vieille affaire aux Etats-Unis. La plupart des Européens ignorent à quel point son histoire a été brutale.

Elle prend racine dans ce que, par euphémisme, Jefferson, un des pères de l’indépendance, appelait « l’institution particulière ». L’esclavage est pratiqué massivement par les Etats du Sud et, pour ne pas se les aliéner, la Constitution adoptée en 1787, qui prétend célébrer la liberté et l’égalité, n’ose pas le supprimer. Durant tout le XIXe siècle, le fossé se creuse entre une Amérique du Nord-Est qui s’industrialise et les régions dont l’économie de plantation – tabac, et surtout coton – repose sur la main-d’œuvre servile.

La rupture a lieu en 1860 quand Lincoln, un républicain qui a fait campagne sur le thème de l’abolition, se fait élire à la Maison-Blanche. Sept puis onze Etats du Sud se retirent de la fédération pour former les « Etats confédérés d’Amérique », un nouveau pays qui entre en guerre avec celui qu’il vient de quitter. C’est la guerre de Sécession (1860-1865), sanglante, meurtrière, qui se termine par la victoire écrasante du Nord et la réalisation d’une promesse : en 1865 le 13e amendement abolit l’esclavage. Sortis des chaînes, 4 millions d’êtres humains pensent qu’ils vont enfin devenir des citoyens à part entière d’un pays où on les a installés de force.

Racisme d’Etat

Pendant une petite décennie, la période dite de « la Reconstruction », ils ont pu y croire. Les premières élections auxquelles les Noirs participent, massivement, portent au pouvoir des élus de couleur. L’idée est insupportable aux anciens maîtres. Dès que l’occupation par les armées du Nord cesse, en 1877, le vieux Sud met en place un effrayant racisme d’Etat qui vise à rappeler à chacun quelle est sa place dans la société. C’est le temps de la ségrégation. Elle a une face institutionnalisée, avec ses lois qui tracent partout, dans les bus, les écoles, les toilettes et même les cimetières une ligne de séparation entre « white » et « colored ».

Elle a aussi une face retorse. Le 15e amendement interdit spécifiquement que quiconque soit exclu du vote en fonction « de sa race ». Les Etats du Sud le bafouent par tous les moyens. Soit ils utilisent la ruse, en imposant par exemple aux électeurs noirs des tests d’alphabétisation, délibérément infaisables, dont les Blancs sont dispensés. Soit ils utilisent l’intimidation physique.

Dans ce monde, la violence est l’arme constante des dominants. Quand elle n’est pas le fait du Klu Klux Klan – il disparaît dans les années 1870 mais ressuscite dans les années 1920 –, elle est pratiquée par des foules entières, qui estiment de leur droit de se faire justice soi-même. Des années 1880 aux années 1950, environ 4.000 Noirs, hommes, adolescents, sont victimes de lynchages, c’est-à-dire qu’ils sont brûlés, torturés à mort ou encore pendus lors de cérémonies publiques auxquelles les foules blanches se pressent, le plus souvent en famille. Un quart de ces exécutions sont motivées par des accusations, fondées ou infondées, d’agressions sexuelles envers des femmes blanches.

La loi et les faits

Dès la fin du XIXe siècle, par centaines de milliers, les Noirs quittent ces terres de malheur pour tenter leur chance dans les grandes villes industrielles du Nord comme Chicago ou Detroit. Ils y découvrent les emplois sous-payés et les ghettos d’un monde où l’exclusion ne passe pas par la loi, mais par l’économie. Le racisme ne s’arrête pas, en effet, aux frontières du Sud. Comment oublier que la Cour suprême fédérale elle-même a pu, dans un arrêt de 1896, approuver la ségrégation ? Comment oublier que l’armée américaine, qui est entrée dans deux guerres mondiales au nom de la justice et du droit, était une armée dans laquelle les soldats noirs n’étaient armés que par exception, parce qu’on avait peur de ce qu’ils pouvaient faire avec un fusil ?

Depuis toujours, des militants courageux ont lutté pour abattre ces murs d’injustice. Il faut attendre les combats éclatants des années 1950-1960 – Rosa Parks, qui refuse de se lever devant un Blanc dans un bus de l’Alabama ou l’immense « marche pour les droits civiques », conduite par Martin Luther King, qui aboutit à Washington en 1963 – pour que les pouvoirs publics se décident à agir. En 1964, le Civil Rights Act, signé par le président Johnson, déclare illégale toute discrimination. Plus d’un demi-siècle plus tard, l’actualité prouve que les faits ont du mal à suivre la loi.

L’Obs

En Belgique, le secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations partage une vidéo raciste sur Facebook

Encore un ministre, belge cette fois, qui a trouvé « marrante » – ce sont ses mots – une petite vidéo raciste en croyant ne parler qu’à ses copains.

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Le ministre belge en question s’appelle Theo Francken et il n’est pas ministre de n’importe quoi, il est ministre, ou plutôt secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations. Bref, c’est pile le ministre qui ne devait pas « retwitter » ou « liker » un truc raciste. Le gif en question détourne une pub, dure 6 secondes, et montre notre ministre belge qui n’a pas encore 40 ans collant une ventouse sur la tête de ce qu’on imagine être un réfugié ou un clandestin noir pour mieux l’hélitreuiller, c’est-à-dire l’expulser.

C’est cette vidéo là qu’il a trouvé « marrante » et qu’il a complaisamment partagé avec la Belgique entière. C’était donc mardi, il y a deux jours, et depuis la polémique se déchaîne : tous veulent sa tête et il a d’ailleurs fait disparaître la vidéo de sa page FB.

L’auteur de ce gif animé de 6 secondes est un militant des droits de l’homme qui voulait dénoncer les expulsions de migrants du ministre Francken. Lui est a priori irréprochable.

Le problème, c’est que le ministre Francken, lui, a pris cette vidéo au premier degré, c’est-à-dire qu’il a trouvé « marrant » de coller une ventouse sur la tête d’un migrant pour mieux l’expulser du pays. Et puis surtout, ce n’est pas la première fois qu’il dérape, Theo.

On lui doit par exemple cette déclaration :

Puis-je juste dire que je peux imaginer la valeur économique de la diaspora juive, chinoise et indienne mais moins celle des Marocains, Algériens et Congolais ? Ou est-ce trop incendiaire ?

 

France Info