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Bernard de La Villardière «agressé par des salafistes» à Sevran : une autre vidéo de l’altercation
Il est 16h30 ce dimanche à Sevran lorsque nous retrouvons Ousmane à la cité des «Radars». Comme souvent, lui et ses amis discutent, fument, ou jouent à la PlayStation dans un local situé juste devant la mosquée de la cité. C’est aussi à cet endroit qu’est venu tourner le journaliste Bernard de La Villardière pour l’émission Dossier Tabou diffusée mercredi 28 septembre sur M6.
Quelques jours après, cette bande d’amis parle encore de cette enquête intitulée «L’islam en France: la République en échec». À l’exception d’Ousmane, les personnes rencontrées ne souhaitent pas donner leur identité. Ils veulent se faire appeler Mehdi, Bertrand, Manolito et Vinks. Leur nom de famille? «”De la ville de Sevran”, parce que c’est mieux que de La Villardière». Ils ressassent les images de l’équipe de tournage agressée,largement relayées avant et après la diffusion du reportage.
Dans son émission, l’animateur souhaite interviewer l’imam controversé Dhaou Meskine, le propriétaire du lieu de culte surnommé «la mosquée de Daech», depuis que plusieurs jeunes l’ayant fréquentée sont partis combattre en Syrie.
L’altercation débute lorsqu’un des trentenaires met sa main devant une caméra. Ils réclament d’être salués. «Je ne peux pas dire bonjour, je suis en train de parler», répond l’un des caméraman.
«Je fais ce que je veux, je suis dans mon pays»
«Hey, toi arrête de filmer, trou du cul», dit Bertrand pendant qu’un autre insiste: «On veut dire bonjour». «On a dit bonjour, c’est bon tout va bien», rétorque La Villardière. C’est à ce moment que la situation s’envenime:
Bernard de La Villardière: – Vous nous laissez bosser, d’accord? Vous nous laissez bosser!
-Arrête de crier sur les gens.
– Partout où j’ai été dans le monde, on m’a laissé bosser.
– Et alors?
– Vous allez me laissez bosser? Alors! (…) Ça vous embête qu’on parle de cette mosquée? Ça vous gêne qu’on parle de cet endroit, ça vous gêne?
– À raconter de la merde, ouais ça nous gêne.
– Quelle merde? Ça te regarde? Je fais ce que je veux. Je suis dans mon pays, et j’ai le droit de faire ce que je veux, d’accord. (…) Arrête de me toucher, ok? Bon alors dégagez! Vous dégagez!
Bertrand ordonne alors aux journalistes de «se barrer» avant qu’il «éclate la caméra». Vinks demande à La Villardière «de ne pas leur manquer de respect» et de «ne pas (leur) parler comme à un chien». Il se montre beaucoup plus violent physiquement que les autres et donne un premier coup à l’épaule du présentateur puis un deuxième avant de l’attraper par la veste. Il tente de prendre une caméra et renonce finalement. Ses amis s’interposent et les journalistes quittent les lieux sous quelques menaces.
Ils expliquent aussi la raison de leur colère. «Venez, si vous ne manquez pas de respect, on vous accueille», dit Vinks à l’un des journalistes. L’auteur de la vidéo conclut: «L’approche elle est mauvaise (…) faut savoir s’exprimer mon ami dans la vie (…) tu n’as même pas fait un pas devant nous, tu es parti dans dans une allégation de merde. (…) La réalité elle est là messieurs. C’est tout. Passez une très bonne journée.»
«Salafistes et dealers de drogue… J’aurais préféré qu’il nous insulte de “connards”, au moins c’est ni suspect ni illégal.»
«Il a réagi comme un policier, à nous dire “dégagez”, et a été irrespectueux dès le début», se défend Vinks, 29 ans, qui raconte être un habitué des émissions du présentateur:
«Moi j’aimais beaucoup Bernard de La Villardière. Je regardais ses reportages le dimanche, je me disais que c’était un bon journaliste, un mec chaud qui n’a pas peur d’aller partout. Il me faisait voyager un peu. Aujourd’hui, je me dis que tout ce que j’ai vu a dû être bidonné, comme toute son émission sur l’islam.»
En plus des images de l’altercation, Ousmane et ses amis digèrent mal les deux qualificatifs («salafistes et dealers de drogue») utilisés pour les «discréditer».
«Aujourd’hui, la cité rigole en nous appelant comme ça, mais ça fait mal en réalité. Il nous a vus cinq minutes et décrète qu’on est soit salafistes, soit dealers. Comment il peut savoir ça?», interroge Ousmane. En réaction à cette affirmation, ces habitants que nous avons rencontrés (et qui ne représentent pas tous ceux de la vidéo) nous assurent «ne pas être musulmans pratiquants», ni dealers.
«J’aurais préféré qu’il nous insulte de “connards”»
Ousmane est par exemple livreur pour une grosse société de transport. On trouve aussi un chauffeur VTC pour Uber, un brancardier et un salarié de la Fnac. Manolito, 30 ans, regrette cette description:
«Ça fait mal d’entendre ça car il ne nous laisse aucune échappatoire. On est soit l’un, soit l’autre, mais dans tous les cas, aux yeux de la majorité des Français, on est hors-la-loi. J’aurais préféré qu’il nous insulte de “connards”, au moins c’est ni suspect ni illégal.»
«Moi j’ai une petite barbe, mais je ne suis pas musulman. J’avoue, c’est juste pour la mode que je la laisse pousser», renchérit Jérémy (qui a souhaité garder son anonymat), assurant «qu’ici, il y a toutes les confessions». «D’ailleurs, le seul barbu présent sur la vidéo [que nous avons flouté à sa demande NDLR] est celui qui tente de calmer le jeu et de nous séparer du présentateur», note-t-il.
Loin de regretter son acte, le groupe assure que «c’est le manque de respect du présentateur» qui a déclenché les hostilités. Pour le prouver, ils donnent l’exemple de la médiatisation de l’histoire de Quentin, un jeune habitant parti en Syrie.
«Beaucoup de journalistes sont venus filmer la mosquée, nous ont interrogés sur lui et il n’y a eu aucun problème. Pourquoi? Parce qu’ils étaient respectueux. Si Bernard de La Villardière nous avait salués, ou même s’il nous avait juste dit “je viens vous parler à la fin du tournage”, on l’aurait laissé tranquille», explique Vinks.
Quant à Bertrand, il conteste fermement avoir voulu s’en prendre au matériel de l’équipe. «Comme on le voit dans la vidéo, je dis au caméraman d’arrêter de filmer mon visage, mais il continue. C’est illégal. C’est là qu’on a un peu bousculé la caméra. Mais si on avait voulu les agresser ou voler les images, on ne les aurait pas raccompagnés en leur disant “passez une bonne journée”. Cela aurait été bien plus violent.»
«Le truc qui nous fait le plus mal, c’est la voix off des reportages.»
Au-delà de cet incident, les jeunes hommes regroupés au pied de la mosquée s’interrogent sur le travail des journalistes en banlieue. «Pourquoi il n’y a pas de vrais reportages qui montrent aussi des choses positives?» demande Manolito: «On a le choix entre un reportage complètement caricatural de M6 sur l’islam où en plus, la plupart des personnes interviewées disent qu’elles se sont fait avoir, ou les enquêtes bidons de la TNT sur la police dans les banlieues. Vous croyez vraiment qu’il y a que ça ici?»
En plus d’eux, le maire de Sevran et une humoriste musulmane interrogés dans Dossier Tabou ont aussi contesté les méthodes du présentateur.
Le groupe dit avoir compris «comment les télés fonctionnent»:
«Les journalistes viennent et assurent qu’ils diront la vérité. Une fois que le reportage est diffusé, il y a toujours des montages pour nous faire passer pour des voyous. Et quand on demande pourquoi, les journalistes répondent que ce n’est pas de leur faute, mais que c’est à cause du rédac chef.»
Pour Ousmane, enfin, le «truc qui nous fait le plus mal, c’est la voix off des reportages». «Celle qui commente des images qui ne correspondent pas à la réalité», ou celle qui les dépeint comme voyous ou terroristes.
Journée portes ouvertes à la cité «parce qu’on sait accueillir»
Sur les problèmes plus généraux montrés par l’émission Dossier Tabou, ces habitants de Sevran —«une fabrique de djihadistes» selon le présentateur— contestent ce qui est dit. «Oui il y a sûrement des jeunes qui partent en Syrie, mais moi par exemple, je n’en connais aucun», assure Mehdi. Et d’ajouter:
«Il y a ce que le reportage montre et la réalité. À la télé, on a par exemple toujours l’impression d’être en guerre avec la police, alors que c’est faux. On n’en veut pas à tous les policiers et on parle même avec eux, ici. Mais ça, personne ne le saura. Les gens penseront que Sevran, comme les autres quartiers, c’est une zone de non-droit où personne ne peut venir.»
S’ils reconnaissent «que certaines cités sont très chaudes», ils assurent qu’au quartier Rougemeont dans lequel ils vivent, tout le monde peut circuler librement. «L’élément essentiel, c’est le respect. On n’a de problèmes avec personne, mais si les gens comme La Villardière ne veulent pas apprendre à nous connaître, alors qu’ils nous foutent la paix», dit Vinks.
Tous les sept ont demandé à être reçus par le maire de la ville, Stéphane Gatignon, pour évoquer cet incident. Ils prévoient aussi une «sorte de journée portes ouvertes dimanche 9 octobre à la cité pour montrer qu’on sait accueillir». Et lancent cette invitation:
«On voudrait bien s’expliquer face caméra avec Bernard de La Villardière pour qu’il assume ses responsabilités et qu’il voit qu’on peut dialoguer.»
Contactée, la chaîne M6 s’est contentée de nous féliciter «d’avoir pu retrouver ces jeunes», mais n’a pas répondu à nos questions. Le présentateur, actuellement au Japon, n’a pas donné suite.
En attendant cette éventuelle rencontre avec La Villardière, Ousmane et ses amis promettent de «ne plus regarder ses émissions». Et de préférer à M6 la chaîne Discovery Channel, «qui doit bidonner un peu, mais moins que les autres».
#DossierTabou sur l’islam: L’Observatoire de la laïcité déplore le «sensationnalisme» du reportage
Le socialiste Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, a adressé jeudi un courrier à M6 et à Bernard de La Villardière…

Dossier Tabou continue de faire réagir. Le premier numéro du nouveau magazine de M6, diffusé mercredi et intitulé « L’islam en France : La république en échec », n’est pas passé inaperçu.
De nombreux téléspectateurs ont été ulcérés par plusieurs séquences du reportage, dont une montrant une femme musulmane refusant de se faire soigner par un médecin homme dans un hôpital francilien et qui affirmait qu’elle « n’accepte pas » la laïcité. D’autres ont reproché à l’émission de Bernard de La Villardière de verser dans le sensationnalisme et de nourrir la stigmatisation dont font l’objet les musulmans.
C’est au tour de l’Observatoire de la laïcité de monter au créneau. Le socialiste Jean-Louis Bianco, président de cette instance chargée d’aider le gouvernement à faire respecter le principe de laïcité, a adressé jeudi un courrier à M6 et à Bernard de La Villardière.
Le traitement médiatique de la #laïcité doit être rigoureux. La lettre de @jeanlouisbianco à @M6 #DossierTabou > pic.twitter.com/4SaYmyHzcL
— Observatoire Laïcité (@ObservLaicite) 30 septembre 2016
« Le constat établi par l’Observatoire de la laïcité confirme la réalité, non depuis quelques années mais depuis plus d’une dizaine d’années, de replis communautaires et de provocations contre la République dans certaines zones périphériques et rurales, écrit-il. Pour autant, la généralisation des difficultés telle que présentée par ce reportage donne une vision déformée de la réalité. »
« Il est inexact d’affirmer qu’il y aurait, de la part d’agents publics, de « multiples arrangements » avec les lois de la République », dénonce-t-il, avant de souligner qu’« aucun recours n’a été intenté depuis la rentrée scolaire 2008-2009 contre l’interdiction du port de signes ou de tenues [religieux]. »
Jean-Louis Bianco souligne ensuite que « le chiffre avancé par le reportage de « 45 % d’habitants de la Seine-Saint-Denis » qui seraient de « confession musulmane » n’a aucune base scientifique », la loi française interdisant d’établir des statistiques religieuses.
Concernant la séquence de l’hôpital, il avance qu’« il ne s’agit pas de nier une réelle – mais peu courante – contestation des règles de droit. Mais en faire un phénomène général est infondé ».
« Je regrette tout traitement sensationnaliste de sujets aussi fondamentaux que la laïcité et la gestion des faits religieux. Notre responsabilité à tous est d’être pédagogues en rappelant quelles sont les libertés mais aussi quels sont les limites et interdits indépassable dans un cadre laïque », conclut le président de l’Observatoire de la laïcité.
Le Collectif contre l’islamophobie a publié jeudi une analyse sur « l’invariable échec des reportages « sans tabou » sur l’islam et les musulmans ». « Cette façon « d’enquêter » sur les/des musulmans, sur le mode de l’infiltration, en lien avec la radicalité et le terrorisme, problématise de fait le sujet étudié, faisant peser sur ses acteurs une suspicion permanente, sommés de s’expliquer, comme s’ils étaient mis en cause, par défaut », déplore notamment l’association.
#DossierTabou sur l’Islam: «Bernard de la Villardière manipule tout le monde»
Widad Kefti et Sihame Asbague, deux journalistes et militantes antiracistes, avaient quant à elles anticipé la diffusion et prévu de « pirater M6 ». Mercredi, simultanément à la diffusion du magazine de la sixième chaîne, elles ont assuré un live sur YouTube pour proposer un regard critique sur l’enquête. Une alternative au titre en forme de pied de nez: « Dossier Tabouche ».
Stéphane Gatignon, le maire de Sevran, en Seine-St-Denis, n’apprécie pas du tout le ton « racoleur », selon lui, des émissions de Bernard de La Villardière. Il a pourtant accepté d’être interviewé dans le nouveau magazine du journaliste, « Dossier Tabou », diffusé à 21h ce mercredi sur M6 et consacré à la montée de l’islam radical. Il explique sur RMC.fr qu’il s’est senti « contraint » d’y participer.

Pour inaugurer son nouveau magazine d’information Dossier Tabou diffusée ce mercredi soir à 21h sur M6, Bernard de La Villardière a choisi de s’intéresser à la montée de l’islam radical en France. Plusieurs séquences ont été tournées à Sevran, en Seine-St-Denis, ville confrontée comme d’autres à la montée du salafisme, et qui a vu plusieurs jeunes de la ville partir faire le jihad. S’il dénonce le côté « racoleur » et « manipulateur », selon lui, du journaliste de M6, le maire Stéphane Gatignon, a pourtant accepté d’être interviewé par Bernard de la Villardière. « Un jeu de con », qui a une explication, justifie-t-il sur RMC. »Très franchement au début je ne voulais pas participer à cette émission. Parce que c’est Bernard de La Villardière, c’est racoleur, on connaît… Mais il y a eu un contexte particulier. Premièrement, c’est vrai qu’il s’est fait chauffer quand il est venu en ville dans un quartier – on voit un extrait dans la bande-annonce de l’émission -, où une salle de prière (accusée de faire la promotion de Daesh, NDR) a été fermée et murée. Ensuite, il y a eu un autre incident avec une de ses équipes lors d’une rencontre inter-religieuse en mai dernier: il y a eu des provocations dans la salle à la fin de la réunion par rapport à leur présence et ce qu’ils faisaient.
« La Villardière, on connaît, c’est racoleur »
Donc quand ils m’ont demandé une interview, avec l’accumulation de tout ça je me suis dit: ‘il faut que je réponde’. C’est un jeu de con en fait, à tous les coups tu perds! Si tu n’interviens pas, t’as une polémique et tu ne t’en sors pas. On te dit ‘pourquoi tu n’es pas intervenu?’. Et si tu acceptes l’interview, on te dit ‘pourquoi tu es intervenu?’. Donc t’es coincé. Quoi que tu fasses, de toute façon tu l’as dans l’os.
L’interview a duré une heure et demi. On a joué au chat et à la souris: il voulait entendre des trucs et moi je ne lui répondais pas ce qu’il voulait entendre. Je sais qu’il en restera 40 secondes ou une minute dans l’émission, c’est pour ça que je n’aime pas faire ces interviews et que je préfère parler en direct. Je regrette d’y avoir participé mais en même temps je me sentais contraint.
« Sa venue à Sevran a créé une crispation »
Bien sûr que j’ai été utilisé. Bernard de la Villardière manipule tout le monde.
Le fait qu’il se fasse agresser… La Villardière qui vient après tout le monde, dans le lieu qui vient d’être muré, c’est de la provoc et il sait ce qu’il fait.
C’est lui qui vient, ce n’est pas ses équipes, il ne nous prévient pas avant… Toutes les télés sont venus dans ce quartier et aucune n’a eu de souci, mais lui est venu après, et comme c’est lui qui est venu, il y a eu une crispation par rapport à ça.
Daesh est en train de réussir son coup de faire imploser notre société et de créer une rupture. Je n’ai pas vu le reportage, mais je pense que ce reportage va dans ce sens. On est en plein dans la stigmatisation de Sevran. En plus nous faisons plein de boulot sur ce sujet, on est dans une dynamique (pour lutter contre la radicalisation, ndr).
Je regarderai l’émission, mais en différé. Je regarderai d’abord le match du PSG en direct ».