En Ukraine, l’extrême droite s’infiltre dans la police

«Je suis prêt à transgresser la loi afin de rendre la justice, si cela peut sauver des vies. En combattant dans le Donbass, j’ai compris que pour que quelqu’un survive, un autre doit mourir.» Illya Kiva se rejette sur sa chaise, ses grands yeux froids fixés sur son interlocuteur. Pour le chef du département de lutte antidrogue de la police nationale d’Ukraine, ces propos ne sont pas une provocation.
Avec sa gestuelle de combat et ses déclarations à l’emporte-pièce, Illya Kiva n’en finit pas de défrayer la chronique. Ancien athlète originaire de Poltava, dans le centre de l’Ukraine, il y dirige la section locale du groupe ultranationaliste «Praviy Sektor» («Secteur droit»). A la faveur de la guerre hybride du Donbass, il a pris la tête du bataillon de volontaires appelé «Poltava».
Il s’est fait remarquer dans l’est de l’Ukraine et à la frontière avec la Crimée occupée. Son engagement le rapproche du sulfureux ministre de l’Intérieur ukrainien, Arsen Avakov. En octobre 2015, celui-ci le propulse à la tête du département de lutte antidrogue, officiellement pour nettoyer un corps de police notoirement corrompu, qui n’avait été jusque-là qu’un organe de contrôle du trafic de stupéfiants.
A part mener des descentes musclées dans certains clubs et restaurants de Kiev, le patron de la lutte antidrogue ukrainien se démarque avant tout par ses prises de positions agressives, et extravagantes. «Illya Kiva n’est tenu responsable ni de ses propos, ni ses actions, estime Vyacheslav Likhachev, directeur du groupe d’observation des droits des minorités, à Kiev. Mais quand un officier de police haut gradé ignore la loi, c’est dangereux.» D’autant que Kiva contraste avec la réforme de la police, un des grands chantiers pro-européen de l’après-Maidan. Très médiatisée, elle a institué des unités de jeunes policiers, bien entraînés, bien rémunérés, et garants de l’Etat de droit.