Michel Richard – Rossignol vs Morano : deux poids, deux mesures

Voilà un sujet à n”aborder qu”avec d”infinies précautions, la main tremblante, l”esprit vigilant, pesant et repesant les mots à employer. Parce que, c”est ainsi, le poids des mots varie en fonction de qui les prononce. Ainsi vaut-il mieux s”appeler Laurence Rossignol que Nadine Morano quand on s”aventure sur des terrains glissants. Grâce à elles, c”est une expérience chimiquement pure qu”on a pu vivre dans le domaine de ce que l”on peut dire ou pas, de ce qui disqualifie ou pas, de ce qui tue ou pas.
Un jour, donc, Nadine Morano, la femme politique de droite que l”on adore mépriser pour ses airs de madame Sans-Gêne, affirme que notre pays est judéo-chrétien et de « race blanche ». Carton rouge, scandale, excommunication : aucune explication de la dame n”est simplement audible. Et la vague qui l”emporte est telle que ses propres amis, son propre parti des Républicains lui retirent son investiture pour les élections régionales.
Chiens de garde
Une secrétaire d”État, aujourd”hui, condamne les femmes qui portent le voile comme ces « nègres américains qui étaient pour l”esclavage ». Oups ! « Nègres, vous avez dit nègres » ? La ministre s”en excuse, plaide la maladresse. L”affaire fait quelques remous sur les réseaux sociaux. Rien de plus. Pas de carton rouge, pas de scandale, pas d”excommunication.
En fait, la ministre est censée n”avoir rien dit. Une femme de gauche ne peut pas avoir dit ce qu”elle a dit. Et si, admettons-le, elle l”a vraiment dit, elle ne l”a pas pensé, elle n”a pas pu le penser, il serait inconcevable de lui faire un quelconque procès en racisme, fût-il refoulé. Donc, on ne parle pas de ce qu”elle n”a pas pu dire parce qu”elle n”a pas pu le penser.
Pourquoi cette indulgence pour l”une, ce déchaînement pour l”autre ? Où l”on voit à l”oeuvre la seule vraie ligne de démarcation qui sépare désormais la gauche de la droite : la gauche reste le camp du coeur, celui du bon côté ; la droite, celui de l”égoïsme et du profit. Ce petit cas d”école Rossignol versus Morano illustre la vitalité des gardiens de ce temple-là, de ses chiens de garde et des professionnels hémiplégiques de l”aboiement.