Exaspérés par les calculs politiciens et l’alarmisme à tout-va de Benyamin Netanyahou, d’anciens hauts responsables de l’armée sont désormais en première ligne pour le faire tomber.

Ehoud Barak n’est pas vraiment le candidat rêvé de la gauche israélienne. Il a déçu à la tête des travaillistes, puis comme Premier ministre de l’État hébreu. L’échec des négociations de Camp David II, en 2000, l’a privé de l’héritage historique de Yitzhak Rabin. Neuf ans plus tard, son ralliement au gouvernement de Benyamin Netanyahou sera perçu comme une trahison.
En 2011, il parachèvera sa réputation de fossoyeur de la gauche en abandonnant la direction du Parti travailliste pour conserver son poste de ministre de la Défense.
Un coup d’éclat médiatique pour Barak
Et pourtant, à 74 ans, Ehoud Barak a soudainement retrouvé grâce auprès de son ancienne famille politique et, plus largement, parmi les opposants à « Bibi ». Le 16 juin, profitant de la très médiatique conférence d’Herzliya – sorte d’assises de la sécurité israélienne -, l’ancien Premier ministre s’est livré à un violent réquisitoire contre Netanyahou.
En substance, son parti, le Likoud, serait gangrené par une idéologie radicale. Sa coalition favoriserait l’émergence d’un fascisme au détriment de la démocratie. Enfin, son « agenda caché » conduirait le pays vers un État binational, autrement dit d’apartheid.
Il assure que le compte à rebours marquant la fin du règne de Netanyahou est enclenché
« Je demande au gouvernement de reprendre ses esprits, pour revenir immédiatement sur les rails, s’est exclamé Barak à la tribune. S’il ne le fait pas, il incombera à nous tous de nous lever et de le faire tomber par la protestation populaire et par le bulletin de vote avant qu’il ne soit trop tard. » Ce coup d’éclat vaudra à son auteur les grands titres de la presse. Le lendemain, invité du journal télévisé, il enfonce le clou en assurant que le compte à rebours marquant la fin du règne de Netanyahou est enclenché.
En attendant, c’est un autre illustre général, Moshe Ya’alon, 66 ans, qui s’est déclaré candidat à la succession de Netanyahou. « Je sens le désir de changement et je me présente pour offrir une autre voie à l’État d’Israël », a affirmé l’ancien ministre de la Défense, qui a appris le mois dernier par des fuites que « Bibi » allait l’évincer pour permettre l’entrée dans sa coalition de l’ultranationaliste Avigdor Lieberman.
Perçu comme une voix modérée et pragmatique au sein du Likoud, Ya’alon paie certaines prises de position qui l’ont mis en porte à faux par rapport au gouvernement. En mars, il condamnait sans détour un jeune soldat coupable d’avoir exécuté un assaillant palestinien déjà neutralisé, à Hébron. Au même moment, Netanyahou téléphonait au père du militaire pour l’assurer que son fils bénéficierait d’un procès équitable.
Début mai, Ya’alon se distinguait encore des autres ministres en prenant la défense du général Yaïr Golan, chef d’état-major adjoint de Tsahal, après que ce dernier, le jour des commémorations de l’Holocauste, eut comparé l’atmosphère actuelle dans son pays à celle qui régnait dans l’entre-deux-guerres en Europe, plus particulièrement en Allemagne.
L’État d’Israël mérite un leadership qui cesse de renforcer la haine entre les différents groupes de la société pour rester au pouvoir à tout prix
Cette poussée des extrêmes a fini par convaincre Ya’alon de se joindre à la fronde des généraux : « L’État d’Israël mérite un leadership qui cesse de zigzaguer et de renforcer la haine entre les différents groupes de la société pour rester au pouvoir à tout prix, a déclaré l’ancien numéro deux du gouvernement. Israël ne fait face à aucune menace existentielle. La direction actuelle doit cesser d’effrayer les citoyens comme si nous nous trouvions à la veille d’une nouvelle Shoah. »