Aéroport d’Orly : licenciés parce que « trop barbus »

«Votre barbe est trop longue (…) Si vous voulez, pour votre anniversaire, je vous offre une tondeuse.»
Ces mots, prononcés par l’un de ses supérieurs, Bachir, 28 ans, agent de sécurité à Orly-Ouest, affirme les avoir entendus le 20 novembre dernier, une semaine après les attentats du 13. Ce jour-là, ce salarié de l’entreprise Securitas et cinq de ses collègues ont été convoqués par leur hiérarchie et priés de raccourcir leurs barbes. Quatre jours plus tard, relate Bachir, qui travaille dans la sécurité aéroportuaire depuis 2007 avec les multiples agréements requis, son chef d’équipe refuse qu’il prenne son poste aux contrôles des passagers aux portiques.
Puis une lettre de licenciement pour «faute grave» lui parvient. Motif, au côté de divers «bavardages» et autres «absences» : sa barbe, qui ne serait pas conforme au «référentiel vestimentaire» du règlement intérieur. Ce dernier stipule que «boucs, moustaches et barbes soient courts, taillés, soignés, entretenus» – là où un précedent référentiel les exigeaient uniquement «taillés et soignés».
Bachir souligne : «Ma barbe était dégradée, avec une petite longueur de 2/3 cm au niveau du menton. Je n’ai jamais vu un musulman avec un dégradé pareil ! Moi, c’était pour la mode, façon hipster, pas pour la confession !» Choqué, ce père d’une petite fille a porté plainte pour discrimination dans la foulée et saisit les prud’hommes.
L’histoire de son ex-collègue Béchir, 34 ans, ex-chef d’équipe, lui aussi ex-employé de Securitas à Orly-Ouest, illustre «les pressions croissantes» dont ces salariés disent avoir été la cible ces dernières années à cause de leurs ornements pileux, forcément supposés religieux et signe d’une radicalisation. Béchir, père de trois enfants, qui souffre d’une hernie discale, a été licencié en juin dernier pour «inaptitude physique».
Mais explique avoir fini par céder à des réflexions constantes, «toujours en aparté», sur sa barbe. «On m’a dit : « Si vous la taillez, ça ne fera pas de vous un mauvais musulman »», cite-t-il par exemple. «Forcément, vous vous sentez agressé, ajoute-t-il. Comme chef d’équipe, on me demandait aussi de surveiller mes collègues de confession musulmane pour voir s’ils ne faisaient pas leur prière pendant les pauses.» Il vient lui aussi de saisir les prud’hommes.
Interrogée par «Le Parisien», l’entreprise Securitas n’a pas répondu sur les cas de ces deux ex-agents.